Super Minions Bros.

Été 1991.
Pour la première fois, je vais au cinéma avec mes amis d’enfance, sans soutien parental (si ce n’est logistique), sans filet donc, la liberté totale.
J’ai presque 12 ans et comme beaucoup d’ados, ma bande de goonies et moi avons entrepris d’aller voir Les Tortues Ninja II.
Le film est le second volet d’une série de trois films, adaptation honnête de la série d’animation du même nom, elle-même tirée du célèbre comics (qui demeure plus violent que ce qu’on sait.)
Evidemment, on se régale : arts martiaux et chorégraphies ubuesques, humour potache, personnages hauts en couleur, animatroniques révolutionnaires pour l’époque et bande son efficace.
Aujourd’hui le film est resté comme un doux souvenir pour la plupart d’entre nous et bénéficie d’un immense capital nostalgie.

Je me remettais à peine de l’adaptation des aventures de Musclor campé par Dolph « Drago » Lundgren dans le cultissime (et pas si foiré) Les Maîtres de l’univers (1987), vue la veille en VHS et dans ma petite tête de cinéphile en devenir, je comprends que les pontes d’Hollywood ont clairement décidé de piocher dans les univers ludiques auxquels j’étais copieusement exposés jusqu’alors.

De retour chez nous, pads de la NES en mains, je me mets à rêver de voir un jour sur grand écran, les personnages les plus emblématiques du jeu vidéo, Mario en tête.
Je ne soupçonne pas un instant le désastre qui s’annonce deux ans plus tard dont je découvrirai les malheureuses prémices dans un numéro de Player One.

Super Mario Bolosse…

Transposer un jeu vidéo au cinéma n’est pas une tâche aisée.
Peu y sont arrivés (citons par exemple Christophe Gans et sa sublime adaptation de Silent Hill) et beaucoup s’y sont brisés la nuque.
C’est le cas du tandem formé par Rocky Morton et Annabelle Jankel, qui, tout auréolés d’un succès critique et populaire avec le thriller Mort à l’arrivée (1988), s’étaient lancés à l’assaut des poutrelles du plus célèbre plombier des mondes virtuels.
À l’arrivée, justement, point la mort mais la décadence ! Si Super Mario Bros. (1993) bénéficie aujourd’hui d’une côte de nanar cultissime, le long métrage n’a fait les choux gras ni des producteurs, ni des réalisateurs ; ces derniers étant tombés dans l’oubli peu de temps après.
Mais pire que tout, il a pulvérisé les espoirs de voir s’animer en chair et en poils (de moustache) une icône de la pop culture chère aux gamers.

« Luigi, c’est moi où ça sent les égouts ? »

Le drame s’est d’ailleurs répété avec des licences qui fleurent bon le cinéma des 90’s (du moins dans l’intention) comme Street Fighter, Double Dragon, Mortal Kombat (de la bagarre !), et plus tard, King of Fighters, Doom, Résident Evil, entre autres, sans oublier les immondices de Uwe Boll que je n’évoquerai pas ici. Bon je suis un peu injuste, je sauverai probablement Mortal Kombat avec Cricri Lambert qui a failli avoir les moyens de ses ambitions.
Bref, le monde n’était pas prêt pour la brouillonne (et bouffonne) sombre vision steam-punkesque de l’univers du personnage phare de Nintendo : les fans ont boudé le film et les cinéphiles ont rejeté une œuvre qui transpire d’un mucus nauséabond du début à la fin, de la réalisation aux effets spéciaux. La légende veut d’ailleurs que, conscients de la faiblesse de l’entreprise dans laquelle ils étaient déjà trop impliqués, l’immense et regretté Bob Hoskins (Mario) et le saillant John Leguizamo (Luigi) se murgeaient la tronche du matin au soir pour rendre l’exercice moins pénible.
C’est dire…

Moustache, plomberie et champignons.

Alors, quand la firme de Kyoto et le studio Illumination officialisent par le biais du toujours trop rare Shigeru Miyamoto, créateur de Mario, la production d’un nouveau long métrage d’animation estampillé Super Mario Bros., les cœurs lardés de cicatrices des rétrogamers du monde entier ont flanché de nouveau.
Puis, ils ont frémis devant la perspective alléchante des premiers visuels…
En a peine une décennie, le studio américain, propriété d’Universal, s’est forgé une solide réputation à grands coups de Minions dans la saga du même nom et spin off de la trilogie à succès Moi, moche et méchant. La firme américaine peut s’appuyer sur la savoir-faire français de la société Mac Guff, cador de l’animation, qu’elle a rachetée en 2021.
D’autres succès populaires comme Tous en scène ou Comme des bêtes leur ont permis de devenir une référence dans le monde de l’animation au même titre que Dreamworks ou Disney/Pixar.

Non sans ignorer les péripéties de l’adaptation cinématographique de Sonic marquée par la levée de bouclier des fans du hérisson bleu, obligeant la Paramount à revoir le design du désormais célèbre Ugly Sonic (manoeuvre qui a probablement garanti le succès du film et de sa suite), Nintendo et Ilumination ont choisi de jouer la carte de la fidélité et du fan service ; les premiers visuels annonçant la couleur.

La toute première affiche du film évoque d’emblée la fidélité à l’univers originel.

Risque mesuré donc mais risque tout de même : comment transposer dans une narration d’1H30 un univers aussi atypique, quels outils pour façonner les rouages d’une logique qui appartient au jeu vidéo ?
Mais que vaut ce « Mario » non d’une clé à pipe (j’avais aussi « nom d’un pipe » en magasin (à prononcer « païpe« , signifiant « tuyau » en anglais ! Je sais. Je suis un génie).

Ma réponse garantie sans spoiler

Super Mario Bros. le film est un bonbon, un régal pour les gosses, un pur bonheur pour les gamers oldschool et pour tous ceux qui ont suivi le petit moutachu dans son odyssée.
De clins d’œil appuyés en easter eggs, les éléments de la saga sont distillés avec beauté et intelligence.
Les réalisateurs s’autorisent avec justesse de sympathiques crossovers avec d’autres licences affilées, apportant par là-même un peu plus de profondeur au film.
L’animation est superbe, les décors sont d’une fidélité déconcertante à nos souvenirs : le studio déploie ainsi toute l’étendue de son talent et fait montre de sa sérieuse expérience en la matière.
Si comme le soulignent maintes critiques, le scénario n’a rien de transcendant (en même temps, c’est Mario, les gars !), le processus de scénarisation est tout simplement brillant.
J’ai, pour ma part, été agréablement surpris de la manière dont certains leviers narratifs, personnages secondaires et autres légendaires items magiques ont été introduits dans le récit.
C’est à mon sens, l’un des rouages essentiels qui nécessitait une attention particulière. Pari réussi.

Côté personnages, le charisme est bien de mise avec un Bowser bien plus épais que dans les jeux vidéos, une princesse Peach beaucoup moins effarouchée qu’attendue, et une team Mario-Donkey-Toad assez bien équilibrée. J’avoue toutefois que le traitement du personnage de Luigi m’a rendu chafouin.
Mais on ne peut pas tout avoir.
Autres facteurs mélioratifs du long métrage, la bande son parfaite, avec des thèmes épiques faisant la part belles aux mélodies qui nous ont accompagnées sur consoles depuis les années 80 (frissons nostalgiques garantis !) et tous ces gimmicks sonores reconnaissables dès les premières notes.
La vrai gros reproche que l’on peut faire – et c’est un fait paradoxal – c’est d’avoir été trop fidèle au support d’origine. On sent le poids du cahier des charges sur les épaules des réalisateurs et la main mise de Nintendo sur chaque minute du film, écartant par là-même toute sortie de route délibérée, là où, par exemple, le dyptique Sonic, sorti il y a peu, s’autorisait quelques ajouts et relectures pertinentes.

Viveu leu Fwance !

Dans les jeux vidéos, celui qui prête sa voix au personnage de Mario depuis qu’il a prononcé ses premières onomatopées, n’est autre que la légende Charles Martinet.
Et curieusement, l’acteur n’a pas été envisagé pour incarner le personnage dans le long métrage.
Et c’est bien là l’un des points de distorsion majeurs qui impacte les différentes versions de Super Mario Bros. le film : le casting.

Nous vivons une époque où la V.O. est désormais adoubée par certains puristes au détriment d’un doublage francophone dont on devrait souvent s’enorgueillir.
Mais patatras ! Dans certains cas, et dans celui-ci précisément, le schéma s’inverse.

Côté US, méthode hollywoodienne : les producteurs ont opté pour le « star-talent » en s’entourant d’un casting 3 étoiles composé de têtes d’affiche ou de vedettes du moment : Chris Pratt (Les Gardiens de la galaxie, Jurassic World) incarne Mario, Charlie Day (La grande aventure Lego, Comment tuer son boss) est Luigi, Anya Taylor-Joy (Split, the Witch) prête sa voix à Peach, Seth Rogen (40 ans toujours puceau, Nos pires voisins) double Donkey Kong et l’inénarrable Keegan-Michael Key (À la poursuite de demain, Pinocchio) endosse le rôle de Toad.

Le procédé a beau être un réflexe outre-atlantique, il a gagné la France il y a déjà quelques années. Et c’est ainsi qu’on se remémore des séquences cinéma-traumatiques (j’ai déposé le concept du mot, cherchez pas !) comme le chat Garfield avec la voix de Cauet ou Ted l’ourson malaisant avec celle de Joey Star…

Pour le coup, côté France, on l’a joué autrement.
Valerie Siclay, comédienne très active dans le doublage et directrice de plateau sur le film a réussi le tour de force de convaincre Universal d’engager les mêmes voix françaises entendues sur les deux premières bandes annonces. Elle a notamment été aidée par le succès inattendu (mais logique) de l’interprétation de Pierre Tessier connu pour être la voix régulière de Ryan Reynolds (entendu également sur le film Pokémon Détective Pikachu ) que les fans du monde entier reconnaissent comme la plus fidèle au timbre de Charles Martinet alors que la prestation de Chris Pratt est, elle, totalement fustigée.

Pierre Tessier reconnait d’ailleurs s’être approché au plus près de la voix originale de Mario.
C’est ainsi que les fameux, « It’s-a-me, Mario! » et « Let’s-a-go! » sont confondants de crédibilité.

Les acolytes de Mario ont eux aussi droit au talent de comédiens aguerris et rompus à l’exercice du doublage depuis bien des années : Audrey Sourdive incarne la Princesse Peach, Benoît du Pac prête sa voix à Luigi, Jérémie Covillault est Bowser et Emmanuel Garijo, le truculent Toad.

Mais le plaisir des oreilles ne s’arrête pas là puisque les férus de VF – dont je fais partie – auront reconnu les pastilles vocales de Donald Reignoux, Céline Montsarrat, Christophe Lemoine, Adrien Antoine, Philippe Peytieu, Barbara Pousséo et Emmanuel Curtil.

Warp zone vers le carton !

À l’heure ou je boucle ces quelques lignes, Super Mario Bros. le film vient de pulvériser le milliard de dollars de recettes, faisant de lui le long métrage adapté d’un jeu vidéo le plus rentable de l’histoire.
Et ce record n’est qu’une photographie puisque les aventures du plombier rondouillard débarquent à peine sur les écrans japonais, son pays natal (même s’il est italien sur le papier).
De là à imaginer qu’une suite est d’ores et déjà à l’étude, tout comme des potentiels spin-off, voir des adaptations d’autres jeux estampillés Nintendo, il n’y a qu’une plateforme à franchir !
J’en parierai ma carapace !

Le film

Titre : Super Mario Bros. le film

Réalisation : Aaron Horvath et Michael Jelenic

Production : Illumination et Nintendo

Casting principal : Chris Pratt (VF : Pierre Tessier), Charlie Day (VF : Benoît Du Pac), Anya Taylor Joy (VF : Audrey Sourdive), Jack Black (Jérémie Covillault), Seth Rogen (Xavier Fagnon), Keegan-Michael Key (Emmanuel Garijo).

Synopsis : Mario et Luigi, plombiers à Brooklin, se retrouvent happés par un tuyau qui les transportent dans un autre monde. Mario, séparé de son frère décide de le retrouver et découvre que l’entreprise devra passer par la défaite du terrible Bowser qui menace le royaume champignon de la Princesse Peach.

Sources : Puissance Nintendo, Écran large, BFM TV